LA RENAISSANCE DE MOSSOUL OU COMMENT RETROUVER L’ESPRIT DE MOSSOUL
Conférence de M. MOUNIR BOUCHENAKI
Ancien sous-Directeur Général de l’Unesco et ancien Directeur de l’ICROM, membre du collège des académiciens de l’ATAO.
Cette conférence a été donnée le 2 juin 2023 dans le cadre du jubilé des 31 ans de l’ATAO, Académie Toulousaine des Arts & Civilisations d’Orient, au Muséum d’Histoire Naturelle de Toulouse.
Le sujet de cette conférence porte sur les propositions que l’UNESCO met en place pour la reconstruction de cette ville, en restituant l’esprit de Mossoul, selon le souhait de Madame Audrey Azoulay, Directrice de l’institution.
En préambule, M. Bouchenaki rappelle l’historique des conventions internationales concernant la préservation du patrimoine en cas de guerre. L’UNESCO a été créé après la deuxième guerre mondiale et a permis en 1954 l’adoption de la Convention de La Haye.
Malheureusement, cette Convention n’a pas pu être appliquée à Mossoul, de même qu’elle n’avait pas pu être mise en œuvre dans le Liban en guerre des années 1980, parce que les rédacteurs de la Convention de La Haye n’avaient pas prévu les destructions de patrimoine en cas de guerre civile, seulement les destructions résultant de conflits armés entre deux états.
Pour illustrer ce propos, M. Bouchenaki évoque plusieurs exemples de biens patrimoniaux et de monuments dégradés ou détruits au cours de guerres civiles et qui n’entraient pas dans le cadre de la Convention de La Haye pour cette raison : le musée de Beyrouth en 1991, Dubrovnik, le musée et les églises de Vukovar en 1992.
Ce qui a généré une deuxième Convention de l’UNESCO en 1970, concernant la protection des objets d’art.
Après la destruction de Sarajevo en 1993, pour laquelle la Convention de La Haye n’a pas pu être activée, la nécessité s’est fait sentir de travailler sur une nouvelle version de cette Convention. Un juriste britannique a réalisé cette remise à jour et, en 1998, une nouvelle Convention a été rédigée, tenant compte cette fois des destructions provoquées par les nouveaux types de conflit.
Parallèlement aux propositions internationales de l’UNESCO, des institutions de protection ont pu se mettre en place localement comme, par exemple, le Comité de Sauvegarde des temples d’Angkor Vat, créé au lendemain de la guerre au Cambodge, et dirigé conjointement par le Japon et la France.
La renaissance de Mossoul est ensuite montrée à travers une abondante illustration.
Mossoul, située sur le Tigre, est la 2e ville d’Irak et le chef-lieu de la province de Ninive, à 350 km au nord de Bagdad.
Le nom de la ville vient du nom d’un pont sur le Tigre. Mossoul est citée plusieurs fois dans la Bible. Cette très ancienne cité abritait toutes les religions, avec leurs lieux de culte associés.
Occupée dès 2014 par Daesh qui en fit sa capitale, la vieille ville fut entièrement détruite au moment du retrait de Daesh. Aujourd’hui, la cité est vide de ses habitants, déplacés à Erbil.
L’UNESCO dispose de 50 millions de dollars pour la reconstruction de trois monuments religieux : la mosquée al-Nouri, l’église Notre Dame de l’Horloge et l’église cathédrale syriaque catholique.
La mosquée al-Nouri, qui était le QG de Daesh, est entièrement détruite, y compris son minaret Al-Hadba, vieux de 1000 ans.
Dans l’église cathédrale syriaque catholique, au cours de l’étude pour la reconstruction, a été retrouvée la plus ancienne église de Mossoul, Al-Tahira, datant du VIe siècle.
Que ce soit pour la mosquée ou pour les églises, toutes les briques et tous les matériaux anciens ont été récupérés le plus possible dans les éboulis pour être remployés dans les reconstructions.
Aujourd’hui, la population revient un peu à Mossoul et habite dans les maisons encore en ruines dans des conditions précaires. Les activités de la vie reprennent peu à peu, des boulangeries refont leur apparition. Mais l’UNESCO veille aussi à ce que la reconstruction des maisons individuelles respecte la cohérence architecturale des quartiers de la vieille ville et de ses monuments.
M. Bouchenaki achève son exposé par la présentation de l’ALIPH, l’Alliance Internationale pour la Protection du patrimoine dans les zones en conflit, créée à Genève en 2017, dont la fonction est de veiller à la conservation du patrimoine et de l’architecture des pays en guerre. Actuellement, l’ALIPH contribue à la réhabilitation du musée culturel de Mossoul.
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