LES POPULATIONS MONGOLES AU DEBUT DE NOTRE ERE
ET LEURS RELATIONS AVEC L’EMPIRE DES HAN
Conférence de M. Eric CRUBEZY
Professeur d’anthropologie à l’université Paul Sabatier, Directeur du laboratoire d’anthropologie moléculaire et imagerie de synthèse du CNRS, Directeur des missions Archéologiques françaises en Sibérie orientale, membre du collège des académiciens.
Cette conférence a été donnée le 3 juin 2023 dans le cadre du jubilé des 31 ans de l’ATAO, Académie Toulousaine des Arts & Civilisations d’Orient, au Muséum d’Histoire Naturelle de Toulouse.
(Voir le programme complet des conférences des 2 et 3 juin)
Situation géographique :
M. Crubézy pose d’abord le cadre de la situation géographique de la Mongolie, entre la fédération de Russie et la Chine. Le territoire des Mongols se trouve à l’une des extrémités de ce qui est appelé « le corridor des steppes », une immense succession de prairies, idéale pour circuler à cheval, sans obstacle, et avec une nourriture abondante pour les montures.
Période temporelle :
La période concernée est celle de la Chine des Han, du IIe siècle avant notre ère (-206) au IIe siècle de notre ère (+220), considérée comme l’âge d’or chinois. Pendant ce temps en Mongolie se forme la confédération des Xiong Nou (entre 209 avant notre ère et 156-181 de notre ère).
Cette époque est marquée par la confrontation du royaume des Han et du premier empire des steppes Xiong Nou.
Les tombes de Noïn Ula et de Pazyryk:
En 1924, à Noïn Ula, huit tombes ont été trouvées. Il s’agit d’une découverte aussi sensationnelle que celle de la tombe de Toutânkhamon en Égypte. Ces tombes, très profondes, étaient gelées, et ont livré un riche mobilier, dont un tapis, très bien conservé, qui décrit des personnages de type européen. Cela témoigne des relations commerciales avec la Bactriane et du commerce des « chevaux célestes » établi avec la vallée de Ferghana.
À Pazyryk, des tombes gelées de même valeur ont été trouvées, avec un mobilier et des tapis du VIe siècle avant notre ère.
Qui étaient les Xiong Nou ?
C’est pour se protéger de la pression des Xiong Nou que les Han ont construit la Grande Muraille. Les Xiong Nou sont peu connus, sauf par les écrits des Han (qui sont donc tendancieux).
Les historiens et archéologues qui ont étudié les relations des Han avec les Xiong Nou ont connu une évolution dans leur perception :
En 1938, Grocenet présente la relation entre les Han et les Xiong Nou comme une confrontation.
En 1962, Latimore estime que la frontière entre les deux peuples est une zone d’échanges et non de confrontation.
En 2015, Miller pense que les Han et les Xiong Nou ont eu des contacts plus étroits et suivis.
En 2019, Scott affirme, à propos des Han, qu’un état n’est pas un grand état sans l’existence de ses voisins.
Pour connaître les Xiong Nou, il faut étudier leurs habitats et leurs tombes.
Ce peuple nomade habitait dans des yourtes, dont nous avons des représentations.
Leurs tombes riches sont profondes. Il existait aussi des tombes modestes. Mais toutes ces tombes ont été pillées.
Le rituel funéraire tenait une place importante,
Il comportait une part de stabilité et de conservatisme, les cérémonies devant être comprises par tous ;
Il comportait une part d’innovation afin de s’adapter aux évolutions sociales et économiques.
Trois types de sites funéraires en Mongolie :
Les sites « impériaux » : Noïn Ula, Gol Mod, Tsaram (en Bouriatie).
Egyin Gol, dans le « corridor des steppes ».
Tamir, un site de repli, à la limite entre le désert et la montagne.
Les sites « impériaux » livrent des tombes profondes, avec plusieurs chambres et plusieurs cercueils. Ce sont les tombes de l’élite Xiong Nou, leur mobilier ressemble beaucoup à celui des tombeaux de l’élite chinoise Han et contient beaucoup d’objets chinois.
Ainsi, dans ces tombes, ont été retrouvés des charriots chinois avec leur grande ombrelle, de même que des textes écrits en chinois sur papier ou tablettes, alors que les Xiong Nou ne connaissaient pas l’écriture.
De nombreux fragments de miroirs Han ont été déposés sur les corps, révélant quelque rituel qui reste inconnu.
Des objets chinois en jade et en laque ont été aussi découverts dans ces tombes.
L’ensemble funéraire d’Egyin Gol relève de la culture Xiong Nou.
Pourtant, la situation de la nécropole, entre la montagne, la vallée et la rivière est un choix topographique typiquement chinois.
Dans les tombes, les cercueils sont placés dans un grand coffre, lui-même adossé à un autre coffre plus petit, le coffre à offrandes.
Dans beaucoup de tombes, les têtes étaient détachées des corps, ce qui montre des rites sur les crânes, de nature inconnue.
Sur les cercueils était souvent déposé un disque solaire associé à un croissant de lune, les deux étant en fer.
L’ensemble funéraire d’Egyin Gol a une durée d’utilisation de quatre siècles. Au début, ce sont des tombes de culture Han avec des tombes riches et des tombes pauvres. Les tombes riches étaient entourées de tombeaux secondaires, résultant de sacrifices humains. Ensuite, le contrôle de la nécropole a été pris par les Turcs.
Ce site a aussi été un lieu de rassemblement en plus d’avoir été un ensemble funéraire.
Les fouilles de Tamir ont révélé une immense nécropole regroupant les tombes d’une élite dirigeante de la même lignée, en relation avec les Han.
Certaines tombes sont très riches, mais on constate que peu de chevaux y ont été enterrés, par rapport à une présence importante de moutons et de chèvres.
À l’extérieur des tombes était souvent placé un grand brûle-parfum.
Beaucoup de céramiques ont été découvertes, ainsi que des objets chinois en laque et en jade, et des miroirs entiers. Des objets scythes en or ont également été trouvés.
La conférence s’achève sur différents événements historiques marquants des relations entre les Xiong Nou et les Han, leurs affrontements et la fin de ces empires.
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