La symbolique du temple divin dans l’Égypte pharaonique
Lundi 5 février à 18h -
Salle du Sénéchal – 17 rue de Rémusat – Toulouse
Conférence de Mme Marie-Christine. LAVIER
docteur en égyptologie
Présentation
L’architecture de pierre fut inventée sur les bords du Nil il y a plus de quatre mille ans. Si, parmi les bâtiments édifiés en pierre, les temples figurent en bonne place, néanmoins, proportionnellement à la longévité de la civilisation de l’Égypte ancienne, peu de temples sont parvenus jusqu’à nous en bon état de conservation. Pourtant, tous les visiteurs de l’Égypte les connaissent, mais sont-ils en mesure de faire la distinction entre tous ces temples, et ont-ils connaissance de la signification symbolique que leurs bâtisseurs leur ont attribuée ?
La conférence se propose d’apporter des éléments de réponse à ces questions.
Après une rapide synthèse sur les différentes sortes de temples égyptiens, ce qui permettra de définir ce qu’est un temple divin, la « demeure du dieu », l’accent sera mis sur le plan type de cet édifice, plan à partir duquel sera développée la signification symbolique du temple sur plusieurs registres : le domaine du dieu (où le temple est implanté), le plan du bâtiment proprement dit et enfin tous les éléments qui le composent. Pour conclure, il sera question des nombreuses conceptions symboliques que les prêtres bâtisseurs ont conférées au temple divin égyptien.
Résumé de la conférence
Ce thème n’a jamais vraiment été un objet de synthèse de la part des égyptologues. Il convient d’abord de définir ce qu’est un temple divin dans l’Égypte ancienne qui a édifié des temples remplissant différentes fonctions : 1- les temples funéraires des complexes de pyramides des rois de l’Ancien Empire et du Moyen Empire ; 2- les temples solaires construits exclusivement par les souverains de la Vème dynastie de l’Ancien Empire ; 3- les temples « de millions d’années » qui, pendant le Nouvel Empire, ont pérennisé la fonction royale des monarques qui les bâtirent, de leur vivant comme après leur décès ; 4- les mammisis, ou temples de la naissance divine qui, à partir de la XXXème dynastie et jusqu’à l’époque romaine, célébrèrent la naissance de l’enfant divin auquel était identifié le souverain d’Égypte.
Le temple divin est la « demeure du dieu », traduction exacte du terme égyptien qui le désigne : hout-netjer, sa résidence sur terre.
Peu de vestiges subsistent de temples divins de l’époque pharaonique (Ière-XXXème dynasties). Le plus ancien temple divin qui nous soit parvenu est le temple du sphinx à Gizâ, construit par le roi Khéphren de la IVème dynastie de l’Ancien Empire. Mis à part cet édifice exceptionnel, aucun autre temple divin de l’Ancien Empire n’est connu, pas plus que pour les deux périodes suivantes, le Moyen Empire et le Nouvel Empire, qui n’ont livré que des édifices partiels ou réduits à l’état de plans au sol. Mais l’archéologie a permis d’établir qu’à partir du Moyen Empire, les temples divins sont construits en pierre et reçoivent un décor sculpté. Au cours du Nouvel Empire, les temples divins adoptent un plan classique, déjà présent dans celui des temples « de millions d’années » qui sont leurs contemporains, à savoir une succession de pylônes et de cours à ciel ouvert, précédant les parties couvertes d’un toit abritant le sanctuaire. Dès cette époque les temples divins sont établis sur de grandes aires délimitées par un mur d’enceinte qui les protègent des agressions du monde extérieur, tant matériellement que symboliquement.
Même si les temples « de millions d’années » du Nouvel Empire nous renseignent sur les temples divins, ce sont des édifices qui leur sont postérieurs de plusieurs siècles qui nous donnent le plus grand nombre d’informations sur le plan, la fonction et la symbolique du temple divin égyptien : Edfou, Kom Ombo, Dendara et Esna, dont la construction s’échelonne en Haute Égypte pendant toute la période ptolémaïque (305-31 av. J.-C.) jusqu’à l’époque romaine (2ème siècle ap. J.-C.). Bien conservés, ces temples divins ont l’avantage de présenter une concordance architecturale et décorative conforme à l’authentique tradition égyptienne. Ils permettent de comprendre les associations qui pouvaient être faites entre les éléments architecturaux, les bas-reliefs sculptés, les textes et les actes rituels effectués dans ces espaces.
Le « domaine du dieu » :
Le temple divin est la pièce maîtresse du « domaine du dieu », vaste aire carrée ou rectangulaire cernée d’un épais mur d’enceinte en briques crues qui protège ce territoire sacré du monde extérieur identifié au chaos. Selon le centre religieux varient le nombre et la nature des autres bâtiments qui occupent le « domaine du dieu ». Un ou plusieurs mammisis et d’autres sanctuaires indépendants peuvent entourer le temple divin, mais un lac sacré y est toujours associé, de même que la Maison de Vie, les habitations des prêtres, les enclos des animaux sacrés, les ateliers, les greniers, les réserves et même l’abattoir pour les animaux de sacrifice.
Le temple d’Horus à Edfou, un plan classique :
Le temple d’Horus à Edfou est le seul temple divin qui nous soit parvenu dans son intégralité et qui présente un plan classique, un plan type, valable pour tous les temples divins égyptiens à partir du Nouvel Empire.
Il se compose des éléments suivants (voir plan) : le pylône (A) ; la cour à ciel ouvert (1) bordée d’une colonnade sur trois côtés; la salle hypostyle (2) ; la seconde salle hypostyle (5) donnant accès au laboratoire (6) où étaient rangés les onguents liturgiques, à la « chambre du Nil » (7) réserve d’eau du temple, et au Trésor (8), resserre des objets servant au culte ; la salle des offrandes (9) ; la salle « des dieux associés » (11) abritant les statues des dieux et déesses de l’entourage de la divinité majeure ; le saint des saints (15) ; le déambulatoire (Y) qui dessert les chapelles rayonnantes (16-25) ; la « Ouâbit » ou « salle pure » (14) précédée de sa petite cour à ciel ouvert (13) ; le chemin de ronde (X) entourant la partie arrière du temple ; l’escalier oriental (D-F) emprunté par les processions montant sur le toit ; l’escalier occidental (le long des chapelles 18, 19, 20, 21, 12) aboutissant à l’antichambre (10), emprunté par les processions descendant du toit.
Les zones du sacré dans le « domaine du dieu » :
Au sein du « domaine du dieu » la présence du sacré est graduée en trois zones et, à mesure qu’elle s’accroit, l’accès est restreint.
La première zone, où le sacré est relativement peu présent, s’étend à tous les espaces qui entourent le temple dans le « domaine du dieu ». En théorie, tout Égyptien avait le droit d’y pénétrer, mais en pratique, seuls les hauts personnages, les prêtres et le personnel laïc du domaine pouvaient y entrer.
La deuxième zone approche le sacré de plus près puisqu’elle concerne le pylône et la cour du temple. Le roi et les prêtres étaient seuls admis à y pénétrer, non sans s’être préalablement soumis aux rites de la purification physique.
La troisième zone entre en contact directement avec le sacré, avec l’accès aux parties couvertes du temple et au saint des saints. Seuls le roi et les prêtres des plus hauts rangs, dans un parfait état de pureté physique, pouvaient accéder à ces espaces où œuvrait la puissance divine.
La protection du sacré dans le temple :
Deux points focalisent visuellement l’attention quand on examine le plan du temple : le saint des saints et le pylône.
Le sanctuaire apparaît comme le noyau central ceint par cinq couches architecturales protectrices successives, depuis le déambulatoire (Y) jusqu’au chemin de ronde (X). De plus, lorsque l’on suit l’axe central réservé à la divinité depuis le saint des saints jusqu’au pylône, on peut constater que cinq espaces jalonnent ce parcours.
Ces cinq couches et ces cinq espaces sont autant d’écrans servant à protéger efficacement les statues divines présentes dans le saint des saints des influences néfastes du monde extérieur identifié au chaos.
Le pylône n’est pas une simple entrée, il est une zone de contact avec l’extérieur et, à ce titre, il revêt plusieurs significations symboliques très importantes, dont le point commun est le lieu de la naissance du soleil, créateur du monde, à qui est identifiée la divinité titulaire du temple laquelle, comme le soleil, se lève chaque matin entre les deux môles du pylône et se livre à un combat féroce contre les forces désorganisatrices du chaos pour faire triompher l’ordre. C’est pourquoi le pylône, lieu de ce combat, présente une architecture de forteresse, décorée d’une iconographie appropriée, le roi d’Égypte abattant les ennemis devant la divinité du temple.
La symbolique du temple :
Résidence terrestre du dieu, le temple possède une symbolique multiple.
Il est un être doté de vie par le rituel de l’Ouverture de la Bouche pratiqué au moment de son inauguration. Il est aussi le corps du dieu où la divinité du temple, à l’instar du dieu créateur venu à l’existence de sa propre substance, vient à la vie du plus profond du ventre du temple, à savoir le saint des saints.
Le temple est aussi une représentation de l’univers créé. Ses sols sont la terre, ses plafonds, la voûte céleste, c’est-à-dire le corps de Nout où circulent tous les astres diurnes et nocturnes, portée par les colonnes, véritables soutiens du ciel. De la salle hypostyle, image du marécage primordial avec ses hautes colonnes végétales identifiées aux fourrés de papyrus, monte la voie axiale qui mène jusqu’au saint des saints, mythologiquement établi sur la première butte de terre émergeant de la masse liquide des origines. De même que sur cette butte primordiale prit appui le dieu soleil au moment de la création du monde, de même, chaque matin, la divinité titulaire du temple se lève dans le saint des saints au moment où sont ouvertes les portes de son tabernacle, pour recréer le monde.
Enfin, le temple est une image de l’Égypte conçue comme un hommage reconnaissant à l’action bienfaisante de la divinité qui a permis que le pays soit dans la luxuriance végétale et dans l’abondance de sa production agricole, permettant aux hommes de vivre. Partout dans le temple, ce concept est présent à travers les frises végétales qui courent le long des murs, par les chapiteaux végétaux et floraux des colonnes qui s’épanouissent sous l’effet de la lumière ou se referment, par les défilés de personnages portant les plus beaux produits agricoles de chaque région et par les listes géographiques recensant les terres agricoles et toutes les particularités de chacune des quarante-deux provinces. Partout sur les bas-reliefs des murs, le roi d’Égypte, représentant l’humanité et unique intermédiaire avec le divin, renouvelle pour l’éternité par l’offrande cette reconnaissance à la divinité bienfaitrice.
Avec la fermeture définitive du temple d’Isis sur l’île de Philae en 537, sur ordre de l’empereur romain Justinien, cette symbolique riche et complexe attachée aux temples divins de l’antique religion pharaonique sombra dans les abîmes de l’histoire avant d’être remise au jour grâce aux importantes découvertes du XIXème siècle.
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